Motivations
Les composés gazeux réactifs regroupent les composés chimiquement réactifs de nature inorganique (ozone – O3, oxydes d’azote – NOx, monoxyde de carbone – CO, dioxyde de soufre – SO2 et ammoniac – NH3) et organique (composés organiques volatils non-méthaniques ou COV). Bien que présents à l’état de traces (parties par billions -ppb- ou inférieures), ces composés sont à la fois des polluants atmosphériques reconnus, avec pour certains un impact sur les écosystèmes et/ou sanitaire (ex. ozone, benzène), et des agents du forçage climatique dits de courte durée de vie (ou Short Lived CLimate Forcers – SLCF – comme indiqué dans le dernier rapport de l’IPCC, 2023). Tout comme les aérosols, l’ozone, en tant que troisième gaz à effet de serre, exerce un forçage radiatif direct; les autres SLCF gazeux ont un effet indirect en tant que précurseurs de l’ozone et des aérosols. En effet, une fois émis dans l’atmosphère, ces composés subissent des transformations, suivant des mécanismes d’oxydation, contrôlés principalement par le radical OH, le radical nitrate et l’ozone, qui conduisent à la production de composés secondaires, des COV oxygénés, l’ozone et l’Aérosol Organique Secondaire (AOS) et à la persistance atmosphérique du méthane. Cette production secondaire, complexe et non-linéaire, dépend non seulement des conditions environnementales mais aussi de la charge en précurseurs gazeux : les niveaux en NOx, faibles ou fort, conditionneront les régimes de production d’ozone et favoriseront certaines voies de formations de l’AOS, elles-mêmes dépendant de la nature des COV en présence.
Les processus à l’origine de la formation et de la transformation des composés gazeux réactifs sont loin d’être encore complètement compris. Le constat actuel est l’augmentation des niveaux de fond de l’ozone en zone tempérée de l’Hémisphère Nord malgré la diminution des émissions anthropiques de ses précurseurs gazeux (NOx, COV et méthane). Ce constat pose la question du rôle de ses déterminants. Si les modèles progressent dans la représentation de l’AOS, des biais importants persistent entre les modèles, sur un ordre de grandeur, montrant encore les limites de nos savoirs dans la représentation des processus. La trajectoire des teneurs en ozone mais aussi en aérosols est incertaine car la réponse des systèmes naturels au changement climatique l’est tout autant. Par rapport aux gaz à effet de serre, ces composés présentent un temps de résidence atmosphérique court de quelques heures à quelques mois qui implique une distribution spatialement hétérogène et des réponses différentes du système chimique et climatique selon les régions géographiques.
Compte tenu des effets des composés gazeux réactifs sur la qualité de l’air, la santé, le climat et l’environnement, leur composition chimique dans l’atmosphère doit être documentées sur le long terme pour comprendre ses déterminants (sources et puits), prévoir son évolution en réponse aux changements globaux et quantifier ses effets. Ces changements mettent en jeu une large gamme d’échelles temporelles que les observations déjà engagées pour certains d’entre eux par les sites instrumentés français (SI) ont permis de renseigner.
La diversité d’échelles de variabilité des émissions et des processus rend indispensable de conduire des observations des gaz réactifs sur le long terme. Pour cela, il est essentiel de produire des données à long terme de haute qualité, avec une densité spatiale et temporelle suffisante pour être représentatives des processus et des grandes régions d’intérêt. Grâce à ces observations, la communauté scientifique sera en mesure de répondre aux trois défis scientifiques suivants:
- De mieux comprendre la Capacité Oxydante Atmosphérique (COA) et son évolution dans un contexte de changement global. A l’heure de la décarbonation des émissions anthropiques et de l’augmentation des températures impliquant l’intensification des vagues de chaleur susceptibles d’augmenter les émissions des précurseurs gazeux biogéniques, la question de la réponse de la COA à l’ensemble de ces changements se pose plus que jamais.
- De mieux comprendre les interactions climat-composition de l’atmosphère en permettant d’aborder les problématiques de persistance de l’ozone et du méthane et les processus dans leur dimension multiphasique. La question des conditions environnementales dans un contexte de changement global et des précurseurs en jeu qui favorisent la formation d’AOS reste ouverte.
- D’améliorer la représentation dans les modèles des sources et des processus grâce à des observations permettant de les évaluer afin de mieux prédire les réponses aux changements. Les observations permettent de mieux contraindre les émissions, de compléter les évaluations des sorties de modèles, de compléter l’analyse d’épisodes de pollution particulier et de guider efficacement les politiques de gestion de la pollution.aison aux mesures par satellite ou aux mesures de la colonne atmosphérique depuis le sol (eg. Formaldéhyde, ethane). Par ailleurs, la traçabilité et les protocoles de mesures de gaz réactifs réalisés dans le cadre des études en chambre de simulation sont à mettre en cohérence avec celles des observations in-situ.
Variables
Les variables mesurées dans GAZIS et leurs caractéristiques (adapté sur chapitre 6.1 du dernier rapport de l’IPCC, 2023). OA : aérosol organique ; p : particulaire

Sites de mesure
Station | Code | Type |
Puy-de-Dôme | CO-PDD | Haute altitude – Couche de mélange – Troposphère libre – Mélange de masse d’air |
Pic du Midi | P2OA – PdM | Haute altitude – Troposphère libre – Mélange de masses d’air |
Maïdo | OPAR | Haute altitude – Mélange de masses d’air – Hémisphère Sud – Environnement volcanique |
Site Instrumenté pour la Recherche en Télédétection Atmosphérique | SIRTA | Urbain de fond – Mélange de masses d’air |
Les sites et IN participants :
- IN MAP-IO
- Le SI d’altitude de CHC à Chacaltaya
- Le SNO/CAES INDAAF
- Plateformes d’explorations CESAM et Helios
Instruments
Plusieurs méthodes de mesure sont identifiées pour la mesure de tout ou partie des gaz traces réactifs. Les méthodes off-line consistent en des systèmes de prélèvement sur site pour une analyse différée en laboratoire. Les méthodes on-line sont directement implémentées sur site et fournissent directement les mesures. Ces méthodes se distinguent par des résolutions temporelles différentes et sont choisies suivant les objectifs recherchés.
- Les canisters, tubes d’adsorbant et cartouches DNPH sont des systèmes de prélèvement d’air respectivement d’ambiant direct, avec piégeage et pré-concentration ou par dérivatisation chimique des composés.
- Les ThermoDésorbeurs associés au Chromatographe Gaz et équipés de différents types de détecteur (TD/GC) sont des méthodes basées sur la pré-concentration des composés, puis la thermodésorbtion, la séparation et la détection pour quantification. Ces méthodes sont spécifiquement configurées suivant les familles d’espèces et offrent l’avantage d’une très bonne sélectivité.
- Les PTR-MS (Proton-Transfer-Reaction Mass Spectrometry) permettent la mesure directe d’un bon nombre d’espèces. Les composés sont protonées et détectés par spectromètre de masse. Différentes versions de PTRMS se distinguent par leurs performances. S’il est moins sélectif que le TD/GC ; le PTRMS offre l’avantage d’une très bonne résolution temporelle permettant la mesure de flux et l’étude de processus réactionnels.
- L’analyseur de NOx par chimiluminescence (CLD) permet la mesure de NO et, lorsqu’il est équipé d’une Convertisseur Photolytique (PLC), la mesure sélective du NO2
- L’analyseur de NO2 Cavity Attenuated Phase Shift (CAPS) est basé sur le même principe qu’un spectromètre d’absorption optique. Il comprend une LED émettant dans le bleu une cellule de mesure centrée à 450 nm correspondant au spectre d’absorption du NO2. Contrairement au CLD, c’est une mesure directe et sélective du NO2.
QC-QA
La métrologie associée aux gaz traces réactifs/précurseurs gazeux nécessite une bonne connaissance et une évaluation des performances d’instruments de mesure complexes, une harmonisation des protocoles de mesure ainsi que la garantie d’une traçabilité métrologique des données pour assurer une bonne comparabilité entre les différents instruments et les différents sites. Ces activités reposent sur le CF CiGas dont l’IMT Nord Europe fait partie avec cinq partenaires Européens. La mission principale de CiGas est d’offrir un support scientifique et opérationnel aux installations nationales (NF)/SI d’ACTRIS, plateformes d’observation (réseaux GAW, EMEP) et d’exploration (IN). Les COV adressés par CiGas IMT NE, couvrent un grand nombre d’espèces plus ou moins réactives, présentant différents intérêts et qui se déclinent en plusieurs familles : AVOC, BVOC et OVOC. Les oxydes d’azote (NOx) comprennent majoritairement deux espèces: l’oxyde d’azote (NO) et le dioxyde d’azote (NO2).
D’une manière générale, les variables ci-dessus mesurées dans le cadre du CAES GAZIS suivent les guidelines et les procédures opérationnelles standardisées (SOP) établis par CiGas (https://ebas-submit.nilu.no/SOPs) soit concernant une famille de variables (VOC, NOx) soit concernant une technique de mesure (PTRMS, GC). La participation de CiGas-IMT au groupe de normalisation CEN WG13 sur les précurseurs d’ozone assure le transfert d’expertise entre CiGas et le CEN.
CiGas IMT NE assure un soutien métrologique aux sites à travers l’organisation de round-robin et de comparaisons interlaboratoires à l’aide du plateau technique CaMEROne de l’IMT NE permettant de comparer et d’évaluer en simultané différentes méthodes de mesure de polluants gazeux réglementés ou émergents (NO2, NO, CO, SO2, O3 et H2S) et/ou leurs mises en œuvre pratiques dans des conditions contrôlées, en mettant l’accent sur les espèces difficiles à tracer métrologiquement comme le formaldéhyde et le NH3 dans le cadre d’OBS4CLIM.
Enfin CiGas propose de l’accompagnement et du conseil pour les sites à travers des workshops et des formations ciblés sur les gaz traces réactifs dans le cadre d’ACTRIS-FR (atelier NOx, https://www.actris.fr/atelier-assurance-qualite-appliquee-aux-mesures-traces-doxydes-dazote-nox-actris-cigas-imt-nord-europe/ , training Européen) et ACTRIS EU (annual ACTRIS Training school, annual HAAR training school, ATMO ACCESS virtual training) garantissant des mesures selon les recommandations et un rapportage de données de haute qualité conforme aux normes de la science ouverte
Filière de traitements
Les données COV et NOX sont reportées à AERIS pour archive et transfert à EBAS au « niveau 0 » avant le 31 mars de l’année n+1. Le Topical Centre CiGas procède alors à la vérification des données reportées et envoie des commentaires et questions via le « NILU bug tracker ». Un workshop annuel est organisé en avril/mai pour discuter des différents problèmes rencontrés et pour partager l’expérience. Les sites ont alors jusque fin mai pour répondre aux questions, revoir la codification des données voire invalider certaines données. Une nouvelle soumission dite « level2 » est alors attendue pour fin mai vers AERIS qui transmet ensuite à EBAS. L’objectif est que l’ensemble des données soient reportées avant le 31 juillet de l’année n+1. Le format de reporting des données est précisé à ce lien : https://ebas-submit.nilu.no/Submit-Data/Data-Reporting/Templates
Selon le DMP ACTRIS (Data Management Plan : https://github.com/actris/data-management-plan/blob/master/DMP/ACTRIS-DMP.md), le L0 concerne les données brutes (résolution temporelle originale) ; le L1 concerne les données brutes converties en concentrations (pmol/mol) en prenant en compte les fichiers de blanc (air zéro) et les fichiers d’étalonnage soumis au L0 ; le L2 sont les concentrations moyennées sur 1h. Les données sont soumises selon des formulaires et flaguées systématiquement selon des flags prédéfinis (exemple : https://ebas-submit.nilu.no/templates/VOC/NMHC_lev0).Pour les NOx, les sites soumettent leurs données de NO et NO2 avec les données d’ozone et de paramètres météorologiques afin de permettre à CiGas de réaliser les corrections nécessaires (offset, correction des effets de l’ozone et de la vapeur d’eau).
Highlights
Les références listées ci-après sont en lien avec les développements et les tests des techniques de mesures pour les COV et les NOx :
- ACTRIS2-WP4- NA4: Trace gases networking: Volatile organic carbon and nitrogen oxides Deliverable D4.9: Final SOPs for VOCs measurements, version 30/09/2014 en cours d’évolution, nouvelle version attendue pour oct 2019.
- ACTRIS2-WP4- NA4: Trace gases networking: Volatile organic carbon and nitrogen oxides. Deliverable D4.10: Standardized operating procedures (SOPs) for NOxy measurements19/09/2014
- Report of the WMO/GAW Expert Meeting on Nitrogen Oxides and International Workshop on the Nitrogen Cycle, York, United Kingdom, 12 – 14 April 2016, 62 pp., 2017
- ACTRIS2: WP3/NA3: Near-surface observations of aerosols, clouds and trace gases. Deliverable D3.20: Measurement Guideline for VOC Analysis by PTRMS, version 30/04/2019
Responsables
Agnès Borbon : a.borbon@opgc.univ-bpclermont.fr
Thérèse Salameh : therese.salameh@imt-nord-europe.fr