Observations des panaches de feux de biomasse par les stations ACTRIS-FR lors de l’épisode de canicule du 17 au 19 juillet 2022

La vague de chaleur et les feux de forêts en France et en Europe ont conduit à un épisode de pollution particulièrement marqué sur l’ensemble de la métropole entre le 17 et le 19 juillet. Les déterminants (sources de polluants, photochimie, dynamique atmosphérique) des évolutions spatiale et temporelle des polluants sont nombreux et complexes nécessitant des moyens d’investigation multiples pour une meilleure compréhension des processus. La combinaison des observations de l’infrastructure ACTRIS-FR issues de plusieurs supersites offre à la communauté scientifique des informations à haut potentiel pour mieux comprendre les phénomènes à l’échelle synoptique. Les données disponibles seront des éléments de connaissances essentiels et complémentaires aux travaux de recherche menés à l’échelle régionale.

  1. Contexte 

La période du 17-19 juillet a démarré dans des conditions anticycloniques en basse couche, caractérisées par un flux de Nord-Nord-Est et une masse d’air sèche, initialement fraîche à 850hPa sous un flux de Nord Ouest le 17 juillet. Une goutte froide positionnée à l’Ouest du Portugal alimente les couches en altitude (1-4 km) avec de l’air chaud qui progresse vers le Nord au fur et à mesure de la période. Le 18 juillet, les conditions anticycloniques persistent et le flux s’oriente à l’Est sur toute la colonne de 0 à 3000 m, les températures en journée atteignent 40°C dans le Sud de la France et 35°C dans le Nord. Le 19 juillet, la goutte froide remonte vers l’Angleterre, générant un flux de Sud – Sud-Ouest. Les températures atteignent et dépassent 40°C sur une grande partie du territoire. 

Des rétrotrajectoires (FLEXPART) effectuées depuis plusieurs stations ACTRIS-FR indiquent que sur cette période, les masses d’air ont pour origine le Nord du continent Africain, en passant par la péninsule ibérique et le sud de la France. 

  1. Transport à longue distance en altitude et dynamique atmosphérique

Un Lidar automatique Vaisala CL61, situé au centre de Paris (Hôtel de Ville) et opéré par le SIRTA, fournit des profils de rétrodiffusion à 905 nm et de rapport de polarisation. La Figure 1 ci-dessous montre ces profils pour la période du 17 au 19 juillet, mettant en évidence des aérosols dans la couche de mélange ainsi qu’une couche épaisse de 3-5km d’aérosols au-dessus de la couche de mélange. 

Le 17 juillet, la couche de mélange atteint 1200 m, peu élevée pour la saison, en raison d’une forte stabilité de l’atmosphère (fort gradient positif dans les profils de température potentielle obtenus par radiosondage effectués à 16h, 20h et 23h UTC chaque jour dans le centre de Paris). Le 18 juillet, la couche de mélange atteint 1500 m, avec injection des aérosols troposphériques dans la couche de mélange. Le 19 juillet, l’apport d’air chaud en basse couche déstabilise fortement l’atmosphère. La couche de mélange se développe alors jusqu’à 3000 m, permettant l’injection d’aérosols troposphériques et leur mélange jusqu’à la surface. Le 19/07 de 17h à 20h (UTC), suite au changement de direction de vent (flux d’Ouest 0-1 km), une forte augmentation de la rétrodiffusion est observée sur une couche de 0-1 km. Le rapport de polarisation sur cette couche est initialement assez élevé (0.2) indiquant la présence de particules non sphériques (dust) puis après 18h, ce rapport descend à des valeurs proches de 0.05, plus typique de particules fines (smoke). 

Figure 1 : Profils de rétrodiffusion (fig. haut) et rapport de polarisation (fig. bas) d’aérosols observés avec le LIDAR Vaisala CL61 situé Paris centre. Profils de température potentielle (fig. haut en couleur noir, blanc, jaune, rouge, positionnés à l’heure du lâcher) mesurés par ballon sonde lâché depuis Paris centre. Hauteur de la couche de mélange par algorithme STRAT-finder (Source Simone Kotthaus, IPSL/CNRS/Ecole polytechnique). Mesures réalisées par l’équipe SIRTA dans le cadre de la campagne Paname2022, projets ANR H2C, DYNAMICS et RI-URBANS.

Les profils verticaux du lidar LILAS en opération sur le site ATOLL (Lille)  indiquent une grande variabilité temporelle et verticale des aérosols du 17 au 19 juillet. Les profils des propriétés optiques moyennes (extinction spectrale, rétrodiffusion spectrale, dépolarisation spectrale, fluorescence), observés entre 0 et 3 h UTC le 19 juillet 2022, indiquent la présence de différents types d’aérosols, en terme  de forme, de dimension et de propriétés physico-chimiques. Ils sont distribués sur  trois couches distinctes, dans trois gammes d’altitude, L1 (1500-2000 m), L2 (2500-3000) et L3 (3500-4500 m). 

Figure 2 : Profils  moyens des propriétés optiques aérosols,  le 19 juillet 2022, 01-03 H UTC  indiquant la présence de trois couches d’aérosols distinctes dans trois gammes d’altitudes, dénommées L1, L2 et L3 (source Qiaoyun Hu, système de traitement des observations du Lidar Mie-Raman-Fluorescence , AUSTRAL, LOA/CNRS/U-LILLE).

Les indices de réfraction moyens observés pour les particules présentes dans ces trois couches suggèrent un mélange de poussières désertiques et de particules issues de feux de biomasse (BBA) dans la couche pour L1 tandis que la couche L2 ne contiendrait que des particules BBA et la couche L3 uniquement des poussières désertiques.

  1. Composition chimique et traceurs de sources

La composition chimique des gaz réactifs et des particules mesurés au sol sur le site du SIRTA confirment l’observation d’un épisode marqué le 19 juillet entre 17h et 20h (UTC). Comme le montre la figure 3, une nette augmentation de la matière carbonée (OM+BC) dans les aérosols a été observée concomitante avec l’élévation de traceurs de combustion de biomasse comme l’acétonitrile pour les gaz et la masse m/z 60 pour l’aérosol organique. Deux pics de concentration se distinguent à 17h et à 20h avec des différences prononcées en termes de granulométrie. Ces observations feront l’objet d’investigations plus avancées à l’échelle régionale en combinaison avec les campagnes intensives en cours menées notamment dans le cadre du projet ACROSS.

Figure 3 : Evolution temporelle (haut) d’une sélection de composés organiques volatils mesurés par PTR-MS, de la granulométrie des particules submicroniques (milieu), et (bas) de la composition chimique de l’aérosol mesurée par ACSM sur le site du SIRTA sur la période du 19 au 20 juillet 2022. Source: Jean-Eudes Petit, LSCE/IPSL/CEA et Valérie Gros LSCE/IPSL/CNRS

Les mesures de carbone suie et du nombre de particules faites au CO-PDD (puy de Dôme) mettent également en évidence (figure 4) une élévation significative des niveaux de concentration mesurés mais plus tard en journée (20h UTC) avec un pic marqué à minuit TU. Ce décalage temporel est lié à une évolution particulière de la situation météorologique pour cette journée du 19/07 avec, comme le confirment les sorties du modèle CAMS et l’examen des trajectoires des masses d’air, la région parisienne qui est touchée par le panache de feu avant  la région clermontoise.   

Fig. 4 : Evolution temporelle (haut) du carbone suie mesuré par aéthalomètre et de la concentration en nombre de particules mesurée par CPS sur le site ACTRIS-FR du puy de Dôme sur la période du 19 au 21 juillet 2022. Source : Jean-Marc Pichon (UCA/OPGC), Agnès Borbon (CNRS/LaMP), Jean-Luc Baray (UCA/OPGC)

L’ensemble de ces données sera disponible sur AERIS. Les analyses de cet épisode se poursuivent et seront communiquées prochainement. 

Avec tous nos remerciements aux équipes des sites d’ATOLL (LOA/CNRS/Université de Lille/IMT Nord Europe), du SIRTA (IPSL, LMD, LSCE, CNRS/CEA/UVSQ/Ecole polytechnique/INERIS) et de CO-PDD (OPGC/LaMP/CNRS/Université Clermont Auvergne) pour la réalisation des mesures, les analyses et les figures produites rapidement, et leurs contributions à cette communication.

Plus d'actualités

Comparaison interlaboratoires pour la mesure de l’ammoniac par analyseur automatique dans le cadre du projet OBS4CLIM et ACTRIS CiGas – 3 au 10 juin 2024

Du 3 au 10 juin 2024, le centre thématique européen pour les gaz traces réactifs de l’infrastructure de recherche européenne ACTRIS – CiGas – au Centre de Recherche Énergie Environnement de […]

L’Assemblée générale d’ACTRIS annonce la nomination de la première directrice générale d’ACTRIS ERIC

ACTRIS ERIC est fière d’annoncer la nomination de sa première directrice générale, Eija Juurola. Cette nomination marque une étape importante dans la mission d’ACTRIS ERIC, qui consiste à développer, coordonner […]

ACTRIS Science Conférence : le succès d’une première édition

Déjà deux semaines se sont écoulées, il est l’heure de dresser le bilan de cette première édition de l’ACTRIS Science Conférence.  La conférence ACTRIS a rassemblé 350 personnes au Couvent […]

Rechercher